En ce lendemain de Saint Valentin, où certains ont fêté leur amour, d’autres non, considérant cela comme une fête purement commerciale, et où d’autres, enfin, se sont trouvés déprimés de ce déploiement de cœurs et de publicités renforçant leur sentiment de solitude. Mais si l’on regarde l’amour sous l’angle de la biologie, comme le propose Barbara Fredrikson dans son ouvrage » Love 2.0 : ces micro moments d’amour qui vont transformer votre vie » nous nous rendons compte que l’amour ne se trouve pas toujours là où l’on croit.
Ce livre m’avait été conseillé par Sonia Lupien lors de notre brève mais riche rencontre. Sa lecture peut effectivement totalement changer notre vision l’amour.
Pour la plupart d’entre nous, l’Amour se pose avec un grand A et concerne notre moitié , nos enfants, nos (très) proches. Et si nous avions un regard trop restreint sur ce qu’est l’amour??
L’auteur, Barbara Fredrikson est une universitaire américaine de renommée internationale, spécialiste en psychologie positive et neuropsychologie. Elle étudie depuis de nombreuses années les émotions et notamment l’Amour. Son livre est préfacé par Matthieu Ricard et elle a présenté le résultat de ses recherches sur l’amour à sa Sainteté le Dalaï Lama.
Changer de vision
Pour commencer, l’auteur nous invite à oublier notre vision traditionnelle de l’amour. Celle qui considère l’amour comme un lien unique avec notre âme sœur, liée au désir sexuel, aux liens de parenté ou à l’engagement. Elle nous confirme que l’amour est fortement lié à ces concepts mais que ce regard exclu le sens de l’amour tel que notre corps le perçoit.
Car pour elle, l’amour n’est pas une catégorie de relations, bien que l’on puisse considérer les liens privilégiés et le type d’engagement comme les résultats de l’amour ou pour la citer « comme le fruits de ces multiples instants où l’amour nous envahit« .
« En fait l’amour a une portée bien plus vaste qu’on nous incite généralement à le croire. Cependant, il s’inscrit sur une durée bien plus brève que nous le pensons.(…) Il est bien plus éphémère que la plupart d’entre nous veulent bien le reconnaître. L’avantage en revanche c’est qu’il est renouvelable à l’infini. Enfin, pour l’aspect le plus complexe, c’est que l’amour n’est pas inconditionnel. Il ne naît pas dans toutes les circonstances, quelles que soient les conditions. Au contraire, vous verrez que l’amour dont rêve le corps est extrêmement sensible au contexte.(..) Mais une fois que l’on a identifié celles-ci, on peut trouver l’amour un nombre incalculable de fois par jour. »
Elle nous avance même que l’amour serait l’émotion suprême, ayant la faculté de nous nourrir, nous soigner et qu’il est profondément ancré dans notre biologie et notre mode de relation aux autres. Et que « sa présence ou non dans notre vie influe considérablement sur nos émotions, nos sensations, nos pensées, nos actes et notre devenir. »
Alors, c’est quoi l’amour?
L’amour est une émotion. Et de fait, un état passager. Il n’est pas exclusif, nous pouvons tous y avoir accès et le ressentir même auprès d’inconnus.
Selon Barabara Fredrikson, l’amour est la résultante de ce qu’elle nomme la résonance positive qui se caractérise par 3 critères majeurs:
- le partage d’émotions positives
- la synchronie bio-comportementale
- la sollicitude réciproque
D’ordinaire, je ne suis pas adepte de la terminologie « émotions positives » puisque cela sous-entend que d’autres émotions telles que la colère, la tristesse et la peur seraient négatives. Toutes les émotions, qu’elles soient agréables ou désagréables, sont positives dans le sens où, nous informant sur notre réaction intime à notre environnement, elles nous invitent à agir pour rester en cohérence avec nous mêmes, avec nos besoins. Mais pour bien comprendre notre auteur, nous admettrons que sous le terme de « positivité » elle englobe un système dynamique : la biologie ,avec les ralentissement des battements du cœur, l’ouverture de l’esprit, le visage accueillant et détendu mais aussi son impact positif sur nos liens sociaux, nos pensées et nos actes et jusqu’à notre capacité à nous adapter. Comme pour la « parentalité positive » qui vise des relations parents/enfants plus constructives , les émotions positives sont constructives pour notre corps , notre vision de la vie et nos relations.
Ces émotions dites positives qui nous font si bon à l’intérieur sont encore décuplées lorsqu’elles sont partagées. Les modifications biochimiques de notre corps liées à cette émotion positive sont amplifiées lorsqu’elles sont vécues de façon synchrone et partagées. Cela se caractérisera par des sourires (authentiques), les têtes penchées de connivence, »les expressions verbales et non verbales de bienveillance et de sollicitude mutuelle« . Plus nous vivons ce type de moments partagés plus nous développons notre capacité à comprendre autrui, à ressentir de l’empathie.
Notre corps et notre cerveau sont modifiés au sein ce de partage, et notre corps est fait pour « exploiter cette force« .
Cependant, cela nécessite des conditions particulières, la résonance positive ne peut se produire que si nous nous sentons en sécurité car notre système inné de détection du danger, notre détecteur de mammouths fonctionne sans même que nous en ayons conscience. Ce qui explique aussi que si vous êtes fragile de votre estime de vous-même, et donc avec un détecteur hypersensible, ce soit plus difficile pour vous de profiter des bienfaits du partage d’émotions positives . Le sentiment de danger étant le premier obstacle à l’amour.
Seconde condition indispensable à la résonance positive : l’authenticité de la relation. Une relation authentique devra mettre deux personnes en présence … pour de « vrai ». Cette relation sera sensorielle et temporelle et donc réelle, non virtuelle. Au cœur de cette authenticité naîtra un sentiment d’unité, lorsque deux êtres humains se mettent au « diapason » l’un de l’autre. Et l’on peut se mettre au diapason de notre boulanger comme de notre compagnon de longue date.
« Lorsque l’on entre particulièrement en résonance avec une personne- même si on vient à peine de la rencontrer- on est littéralement sur la même longueur d’onde d’un point de vue biologique. Une synchronie s’établit intérieurement, à mesure que les réactions physiologiques se calquent les une sur les autres, dans le corps et le cerveau. »
Et c’est bien pour cela aussi que l’amour , pour notre corps, n’est pas inconditionnel. Une attitude particulière sera nécessaire. Le contact visuel est indispensable, nous permettant de « calibrer » le visage et les attitudes de l’Autre, notamment sa sincérité, et particulièrement, la sincérité de son sourire. Regarder vraiment l’Autre, préserver ce contact visuel nous donnera accès à la « sagesse de notre intuition ». En nous privant de ce contact, nous risquons de nous exposer plus facilement aux erreurs de jugements sur les intentions de l’Autre. Au delà de ce contact, le partage de sourires, de rires et de contacts tactiles renforceront la résonance positive.
Il est donc nécessaire d’être vraiment reliés, dans l’instant présent pour pouvoir bénéficier pleinement de la résonance positive. Nous pouvons avoir de fortes sensations quand nous pensons aux personnes que l’on aime et cela est essentiel à notre bien-être. Cependant « l’amour nécessite d’être physiquement et émotionnellement présent . Il nécessite également que vous ralentissiez la cadence »
Malheureusement, nous prenons peu le temps au quotidien d’établir des relations authentiques, que ce soit avec nos proches ou avec des inconnus. Tout va trop vite, nos relations sont de plus en plus virtuelles… c’est oublier à quel point notre corps a besoin de relations authentiques.
La biologie de l’amour
Les 3 principaux acteurs biologiques de l’amour sont : le cerveau, l’hormone appelée ocytocine et le nerf vague.
1- Le cerveau
Lorsque nous entrons en résonance positive nos cerveaux se synchronisent, nous sommes sur la même longueur d’ondes au sens propre comme au sens figuré. « A mesure que les ondes cérébrales se réfléchissent mutuellement, chacun influe peu à peu sur l’esprit de l’autre ».
« Ce couplage neuronal (..) est d’une envergure bien plus considérable que ce que l’on imaginait. Loin de se cantonner à une ou deux aires cérébrales, le « déclic » qui se produit entre deux personnes relève d’un véritable ballet cérébral dans une galerie des glaces, tant les reflets qu’elles se renvoient sont d’une ampleur et d’une acuité remarquables »
Et cela va même plus loin. Plus vos cerveaux entrent en résonance, mieux vous comprenez votre interlocuteur, dans certaines zones de votre cerveau, votre activité cérébrale va anticiper de quelques secondes celui de votre interlocuteur. Plus l’émotion partagée est forte plus la synchronisation des cerveaux est élevée.
Ce constat nous confirme à quel point nous sommes tous reliés ou potentiellement « reliables » les uns aux autres.
2- l’ocytocine
Surnommée l’hormone de l’amour, du câlin, du bien-être, l’ocytocine joue un joue majeur dans le lien social et l’attachement. On connaît depuis longtemps, chez les humains, son importante augmentation lors des rapports sexuels tant chez les hommes que chez les femmes, et l’on sait aussi son importance lors de l’accouchement et de l’allaitement. Mais depuis plus récemment, on découvre son importance dans des moments dits ordinaires tels que jouer avec ses enfants ou lier des liens avec son voisin.
On sait également aujourd’hui qu’elle est très importante dans le lien de confiance.
Plus nous générons de résonance positive, plus nous augmentons notre taux d’ocytocine et plus nous devenons calmes, réceptifs aux autres.. plus amicaux et plus ouverts aux autres. Et l’amour engendre l’amour…
3- Le nerf vague
Ce nerf est le 10ème nerf crânien qui prend naissance dans le tronc cérébral au coeur de notre cerveau et va jusqu’au coeur, aux poumons et d’autres organes internes. Certains le connaissent dans l’expression « malaise vagal » où le nerf vague joue un rôle de disjoncteur pour mettre le corps en économie d’énergie.
Véritable raccord entre le cerveau et le coeur, c’est lui qui permet d’accélérer le rythme cardiaque et favorise l’action face à un danger mais il a aussi la fonction de « frein naturel » pour ramener le calme et la sérénité.
« Totalement à notre insu, le nerf vague stimule de minuscules nerfs faciaux qui nous permettent d’établir un contact visuel et de synchroniser nos expressions faciales avec l’autre. Il ajuste même les petits muscles de l’oreille médiane pour que nous puissions mieux percevoir la voix de l’autre malgré le bruit ambiant. De cette façon extrêmement subtile, et cependant décisive, le nerf vague augmente la possibilité de se relier réellement à l’autre, accroissant les chances d’entrer mutuellement en résonance positive. »
La force du nerf vague peut se mesurer en analysant le rythme cardiaque en fonction du rythme respiratoire. Cela s’appelle le tonus vagal. Plus le tonus vagal est élevé, mieux c’est. Son tonus nous permettra une meilleure réactivité face au stress notamment pour retrouver le calme.
Ce tonus est censé, au repos, être relativement stable chez un même individu d’une année sur l’autre. La bonne nouvelle , c’est que si nous ne sommes pas dotés d’une tonus vagal élevé qui favorise nos liens sociaux et notre adaptation, tout comme pour le tonus musculaire, nous pouvons l’entraîner. En travaillant sur ses émotions, sa gestion du stress, nous pouvons augmenter notre tonus vagal (message subliminal : faites de la sophro 😉 )
Faits pour l’amour
Notre biologie a évolué sur des milliers d’années. Afin d’assurer la survie de l’individu et donc de l’espèce, le stress permet la fuite et/ou le combat face aux dangers et la mémorisation des situations dangereuses afin de pouvoir les anticiper. Mais constituer des liens forts avec nos congénères est aussi une remarquable stratégie de survie.
« Les liens étaient une question de vie ou de mort pour nos ancêtres. (…) le plaisir que l’on éprouve quand on entre en relation avec les autres déclenche des modifications biochimiques qui remodèlent le filtre à travers lequel ils sont perçus et rehaussent leur attrait. (…) L’amour est un produit de l’évolution humaine. En ce sens, vous êtes littéralement fait pour l’amour. Cela signifie que vous n’avez pas eu à tout réapprendre de l’amour lorsque vous avez vécu votre première expérience de l’amour. Dès la naissance, votre corps a su chercher l’amour, le susciter, en tirer du plaisir et s’en nourrir. »
Quid de nos relations avec nos proches? Pourquoi considérons-nous ces relations comme privilégiées?
« En ce qui concerne la résonance positive, les micro moments d’amour sont quasiment identiques, qu’ils surgissent avec parfait inconnu ou avec une âme sœur, avec son bébé ou son plus vieil ami. La différence la plus nette entre l’amour que l’on éprouve avec ses proches et l’amour que l’on éprouve avec tous ceux avec lesquels on partage une relation est sa fréquence. »
Et alors, on fait quoi?
Vous vous demandez peut-être quoi faire de toutes ces informations.
Deux pistes de changement m’apparaissent :
- Avec nos proches : prendre le temps et l’attention nécessaire pour cultiver davantage de micro moments d’amour en étant présents qualitativement dans ces relations. En ralentissant et en prenant le temps de nous regarder, de nous sourire, de nous toucher. En somme de partager vraiment. Car même si « les liens durent, l’amour non. »
- Avec les Autres : du moment que vous partagez un système nerveux et endocrinien avec un autre de vos congénères, la résonance positive est possible. Vous n’en aurez sûrement pas envie tout le temps et avec tout le monde, mais vous pouvez commencer par changer pas à pas. Peut-être en choisissant d‘être présent lorsque vous entrez en relation pour laisser l’opportunité d’un vrai moment de partage, même fugace. J’en parlais dans cet article. Ou encore vous entraîner à la proposition que je vous ai faite tirée de ce livre, pour la nouvelle année . Plus vous pratiquez , plus vous cultivez ces micro moments, plus cela deviendra spontané et simple.
Je conclurai en vous précisant que cette lecture n’a fait que me confirmer l’intérêt de la pratique de la sophrologie au quotidien. Développer la conscience de soi, sa qualité de présence au quotidien me semble un ingrédient indispensable pour pouvoir cultiver tous ces micro moments d’amour.
NB: toutes les phrases en italiques sont extraites de l’ouvrage de Barbara Fredrikson