Souvenir(s) de ponction lombaire

images (1)J’ai une dizaine d’années, je suis à l’école et je ne me sens pas bien du tout, très fatiguée, faible… si faible que c’est ma super copine qui doit me porter sur son dos pour rentrer de l’école à 5 minutes de la maison.

Arrivée à la maison, j’ai beaucoup de fièvre, et je délire, je vois des petits oiseaux colorés qui volent au dessus de mon lit. Maman est inquiète, elle appelle notre médecin de famille.

Fièvre, nuque raide…. ça sent la méningite. Ambulance et trajet dans la nuit, j’ai froid. Maman sait que je vais avoir une ponction lombaire, mon frère ayant vécu la même expérience quelques années plus tôt.

Alors elle m’explique. Je vais être assise, je vais avoir une piqûre dans le dos, je dois écouter les médecins et tout va bien se passer.

Je ne me souviens plus vraiment si elle m’a dit que ça faisait mal. En tout cas, ce dont je me souviens, ce sont mes émotions et mes pensées. J’avais un peu peur, je sentais que ça allait être quelque chose de « pas marrant » et qu’il fallait que je mobilise mon courage. Mais je sentais aussi que ma maman avait confiance en ma capacité à le gérer.

Arrivée à l’hôpital, ça s’agite. Au moins 6 « blouses blanches » m’attendent dans ce qui sera ma chambre pour quelques jours. On me demande de m’asseoir au bord du lit, et on m’explique de faire le dos rond et de respirer comme un petit chien haletant. Je regarde tout autour de moi, je cherche quelque chose….

Oui, je cherche à voir l’aiguille ! Parce que ma maman, dans ses explications qui m’avaient aidées à mobiliser mon courage, m’avait, à la fin, précisé :  » Et surtout, ne regarde pas l’aiguille…. »

Alors forcément…. je me demandais pourquoi ! J’ai vite compris lorsque je l’ai enfin aperçue…. Wahou ! quelle grande  aiguille dans mes yeux d’enfant ( et toujours dans mes yeux d’adulte d’ailleurs! Je vous épargne la photo !)

Mon cœur s’emballe mais je peux le faire : dos rond, respiration du petit chien, je suis « hyper concentrée ».  Ouille, je sens que ça pique, je fais encore plus le petit chien, et… c’est terminé. On me demande de m’allonger pour deux heures avec interdiction formelle de me relever. Ok. Je suis soulagée, je n’ai pas vraiment eu mal, ça pique, c’est désagréable mais ça va.

Tout le monde me félicite, j’ai l’air d’avoir fait une prouesse !

Mon premier souvenir de ponction lombaire. Le seul que j’ai vécu dans mon corps.

Depuis, j’ai accompagné des dizaines d’enfants. Mes souvenirs ce sont les leurs. La peur de ce geste « dans le dos », la colère de devoir « encore faire une PL », la difficulté de rester immobile quand la peur donne envie de bouger dès que le dos est effleuré, l’inconfort de la position quand l’enfant doit être maintenu statique pour sa sécurité, la douleur et la terreur parfois. Mais aussi ces parties de rigolades  ; lorsque l’hypno analgésie nous permet de nous évader ensemble, d’aller ailleurs et d’y être aussi fort que l’on peut, de mille façons.

Je me souviens de cette jeune fille qui aimait simplement que je lui raconte des blagues, de ce petit garçon avec qui nous avons joué un match de foot mental et écrasé l’OM sous nos buts, de cette balade à cheval au bord de la mer, ou de ces jeux olympiques sous-marin dont nous inventions de nouvelles épreuves à chaque ponction.

Pourquoi ce billet?

Parce que je crois que la confiance et la considération de ma maman  pour moi ce jour là ont été fondamentales. D’une part pour m’aider à puiser dans mes ressources pour gérer cet événement qui du coup, s’est avéré quasi indolore, et d’autre part pour ce regard d’indignation qu’il me permet d’avoir aujourd’hui. Oui, la colère de l’indignation lorsque les enfants souffrent trop, inutilement et qu’il existe des solutions pour les soulager. Parce que cette colère  est l’un des carburants qui me donne l’énergie et la passion de mon travail.

 Merci maman pour ta confiance et ton honnêteté ce jour là. Parce qu’à cette époque ( les années  80…) peu de gens prenaient le temps d’expliquer aux enfants ce qui les attendaient dans ces contextes médicaux,  souvent pour leur éviter d’avoir peur, parfois parce que ce n’étaient que des enfants, et les enfants, ça fait ce qu’on leur demande .

Merci à chacun des enfants  que j’ai accompagnés, ainsi que leurs parents pour leur confiance.

Merci aux professionnels avec qui j’ai la chance de travailler, pour leur ouverture d’esprit. Nous apprenons chaque jour à  travailler mieux ensemble au service des enfants ( et des plus grands!), plein de choses sont encore possibles pour progresser dans nos prises en charge !

Aujourd’hui, sans raison particulière,  mon cœur est plein de gratitude. Alors , j’avais envie de la communiquer…..

Une belle journée à vous

 

 

 

8 réflexions sur “Souvenir(s) de ponction lombaire

  1. Salut Christine ! Trop contente de tomber sur ce blog via facebook! Que de bons souvenirs de prises en charge avec toi qui remonte a la surface ! Ta disponibilité pour les enfants … Ta gentillesse et ton dévouement …
    J’espère que tu vas bien
    Severine

    • Bonjour Séverine,
      Merci pour ce commentaire ! J’avoue un peu gênée qu’avec juste ton prénom je ne parviens pas à mettre un visage…. tellement de personnel à l’IHOP….
      Pour répondre à ta question, je vais très bien!
      N’hésites pas à m’envoyer un mail pour que je te situe à nouveau!
      Christine

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